Aujourd’hui, et plus que jamais après les remises en question liées à la pandémie COVID 19, la concurrence effrénée des entreprises entre elles rencontre ses limites. Force est de constater que le stéréotype de la loi de la jungle a perdu de son aura. On a besoin de solidarité, d’empathie, de coopération. L’humain doit être remis au centre des relations professionnelles, des processus de production. Les nouvelles générations y sont d’ailleurs tout particulièrement sensibles. Tu es artisan, profession libérale, chef d’entreprise ? Tu veux en savoir plus sur les avantages de la coopération versus la concurrence ? Si tu as encore des doutes, voici de quoi te convaincre !
1) S’en tenir à la loi de la jungle ?
On a tendance à considérer les entreprises concurrentes à la nôtre comme des adversaires. En gros, l’idée est que le meilleur gagne. Il faut faire mieux qu’elles coute que coute. La loi de la jungle impose la compétition comme maitre mot. Alors si cette dernière a un versant positif, dans le sens où elle engendre innovation, créativité, incitation au dépassement, elle favorise aussi l’individualisme, les injustices, les inégalités, l’agressivité entre les différentes parties, etc. Tout est une question d’équilibre. Elle peut finalement décourager les perdants qui se font absorber par les plus forts. Comme illustration, on peut citer les géants GAFAM qui ont phagocyté leurs concurrents les plus innovants et réduit à néant tous les autres.
Une telle idée de la concurrence s’inscrit dans le cadre de l’entreprise égocentrique du modèle néolibéral qui ne compte que sur elle-même et aboutit à une société de consommation dans laquelle l’intérêt individuel est dominant. Or nous l’avons constaté plus que jamais ces derniers mois dans le domaine de la santé, mais cela est vrai dans le secteur économique en général, nous sommes tous interdépendants.
2) La concurrence : passé de mode et pas du tout écologique ?
Mais ce modèle de plus en plus désuet et toxique l’est d’autant plus qu’il touche à notre actuelle crise environnementale. En effet, la concurrence entraine le gaspillage des ressources. Prenons un exemple. Si vous produisez un service ou fabriquez un objet matériel comme une machine à laver. Vous et vos concurrents allez développer votre chaine de production, créer votre réseau commercial et votre marketing. La concurrence va faire baisser les prix, et certains ne vont pas arriver à survivre à celle-ci. De ce fait, les plus faibles vont être soit rachetés par les plus forts, soit mis en faillite. Résultat, le monopole pointe son nez ce qui annule la concurrence. Et tout le capital, les matières premières, et l’énergie des « perdants » sont gaspillés.
Un tel gaspillage des ressources n’est pas supportable pour l’environnement. Il est indispensable de changer complètement de perspective en envisageant de produire en coopération de la manière la plus rationnelle possible. La compétition qui pousse à s’améliorer constamment doit aller de pair avec la coopération qui permet d’avoir accès aux ressources de ses partenaires et encore bien davantage…
3) Miser plutôt sur les valeurs de coopération et de solidarité
Souvent présentée comme deux forces opposées, la coopération dans le secteur économique limite les conséquences négatives de la compétition. Elle permet de lutter contre les déséquilibres de notre société. Malgré tout, elle a encore une mauvaise image.
En effet, en l’adoptant, on a peur d’apparaitre comme faible, vulnérable. On s’inquiète de prendre certains risques en partageant ses informations et son savoir-faire.
Pourtant, trouver en son « concurrent » un partenaire présente de nombreux atouts surtout dans les temps de crise que nous traversons. Comme l’a mentionné Edgar Morin dans son livre « La Fraternité, pourquoi ? chez Actes Sud (2019) à l’instar de Pierre Kropotkine dans “L’Entraide, un facteur de l’évolution » (1902) « Les espèces les mieux adaptées sont, non les plus agressives, mais les plus solidaires. Cette thèse fut longtemps occultée… ».
En effet, la coopération permet d’agir ensemble dans un objectif commun. Elle peut t’apporter de nombreux avantages. Et si tu penses que tu vas devenir moins compétitif et perdre des parts de marché en te tournant vers elle, tu te trompes. Compétition et coopération doivent s’équilibrer et se répondre.
4) Adopter la coopétition : de nombreux atouts pour ton entreprise
Il existe un terme pour définir l’alliance de la compétition et de la coopération. Il s’agit de la coopétition. Popularisé en 1996 par Nalebuff et Brandenburger, il peut dérouter plus d’un et reste encore embryonnaire dans notre système socio-économique. Récemment, il en a été tout particulièrement question dans le secteur pharmaceutique qui a trouvé de cette manière un vaccin contre la COVID-19.
En quoi consiste-t-il ?
Il désigne une forme de collaboration entre des entreprises qui en temps normal sont rivales sur le même marché. Elles continuent d’exister indépendamment l’une de l’autre, mais réunissent leurs forces afin de partager des parts de marché. Cette stratégie de percevoir autrement son concurrent et de développer avec lui ses performances apporte de nombreux avantages.
Économiser ses forces Lutter contre ses concurrents est couteux et énergivore. Il est dans ce cas préférable de te créer un espace sans eux, ce qui est parfois compliqué selon ton secteur d’activité, ou bien de survivre et d’augmenter ton chiffre d’affaires en s’alliant avec eux.
Bénéficier de la complémentarité, terreau de l’innovation La coopétion réunit des compétences complémentaires. L’alliance de Samsung à Sony qui permit de lancer les premières télévisions LCD avec leur co-entreprise S-LCD en est un exemple. La technologie de Samsung en matière d’écrans plats s’est enrichie au contact du leader de la télévision : Sony. La coopétition offre ici la possibilité de pousser les frontières de la technologie et d’innover bien plus que dans un contexte de compétition effrénée.
Réduire ses couts De nombreux postes peuvent être mutualisés selon ton secteur d’activité. Le marketing par exemple ou bien encore l’approvisionnement. Les deux groupes Henkel et Reckitt-Benckisser ont ainsi regroupé leurs moyens logistiques en 2006 et mutualisé leurs camions. Ils ont de ce fait réduit de 20 % leurs couts logistiques.
5) Comment faire pour avoir la coopétition attitude ?
Tu penses que la coopétition est réservée aux grands groupes ? Détrompe-toi. Que tu sois artisan ou profession libérale, il y a mille-et-une façons d’avoir la coopétition attitude (ou tout au moins la coopération attitude). Tu as tout à y gagner : meilleure visibilité, compétitivité, légitimité. Tu seras plus fort à plusieurs et prêt à répondre à l’évolution rapide des besoins des consommateurs.
Alors, comment faire pour adopter de nouveaux modes de pensée ?
Tu dois intégrer qu’il est souvent pertinent de bénéficier du savoir-faire d’un « concurrent » et de développer votre complémentarité afin d’éventuellement créer une nouvelle offre.
Tu peux collaborer avec un concurrent afin de te positionner avec lui comme leader sur ton secteur bien devant les autres.
Il est bon d’entendre qu’il est parfois plus facile de gagner conjointement des parts de marché que tout seul.
6 ) Artisans en mode coopération
L’artisan souvent vu de manière stéréotypée comme individualiste appartient de plus en plus à des réseaux physiques ou sociaux, et ceci tout particulièrement à l’ère du web 2.0.
De nombreuses initiatives voient le jour.
On peut citer l’émergence de nombreux réseaux d’affaires. Le BNI (Business Network International) est le plus connu, mais il en existe de d’autres, indépendants et moins institutionnalisés. Certains sont organisés par secteurs d’activité, d’autres sont ouverts à tous les professionnels. Leurs membres sont cooptés, triés sur le volet, et en général la concurrence métier est évitée. Ces réseaux favorisent la mise en relation et les recommandations de ses membres entre eux. Ils sont également des lieux de partage d’expérience et de montée en compétences.
D’autres initiatives locales voient de plus en plus le jour à l’image de « Les Artisans du changement » né en 2014 à Nantes qui réunit une vingtaine d’entreprises et des indépendants. Il propose à ses membres de pratiquer leur activité de manière autonome, mais également de regrouper leurs forces pour participer à des appels d’offres par exemple. La complémentarité des métiers leur permet d’apporter une réponse globale. Le collectif œuvre à la transition des entreprises dans le sens de plus de collaboration, et d’une remise de l’humain au cœur des enjeux. Chaque membre devient un ambassadeur du changement.
Les artisans peuvent aussi contrer la fragilité de leur survie économique et de leur identité en intégrant une structure coopérative. Elle leur permet de partager par exemple un lieu de vente, profiter de services mutualisés, mette en place une centrale d’achats, ou produire des biens en commun.
La crise du COVID-19 a montré les limites de notre système néo-libéral. Il faut que le vent tourne. Et pour cela, l’interdépendance de tous doit être comprise et entendue. Collaboration, partenariat, coopétition. Bien au-delà d’un concept économique, celle-ci est une philosophie qui devrait être intégrée dans nos systèmes éducatifs.
Bravo Cécile pour cet article et merci pour les judicieux conseils qu’on y trouve.